Le 28 mars dernier a eu lieu la journée scientifique de l’Association internationale de pédagogie universitaire (AIPU) à Angers, à la Faculté de droit, d’économie et de gestion, co-organisé par le « Groupe Pédagogie » d’Angers Loire Campus. La thématique de cette journée de réflexion était l’accompagnement de la transformation pédagogique à l’ère du numérique. En effet, face à l’instantanéité de l’accès au savoir, le développement de nouveaux outils d’interaction et l’arrivée de nouvelles générations d’étudiants sur les bancs de l’université, le métier d’enseignant-chercheur est en constante évolution.
Après l’ouverture de cette journée par la Présidente de l’AIPU section France, Joëlle Demougeot, le Président de l’Université d’Angers, Christian Robledo, et les responsables du Groupe pédagogie, Anne Aveline (Ecole Supérieur d’Agriculture, Angers) et Nathalie Debski (Université d’Angers), c’est le Professeur André Tricot (ESPE de Toulouse), chercheur en psychologie cognitive et ergonomie et également responsable du Master de pédagogie universitaire, qui a entamé la journée avec une conférence d’une heure intitulée, “Les outils numériques modifient-ils la façon d’enseigner ? La façon d’apprendre ?” (photo ci-dessous).
On retiendra principalement de la conférence du Pr Tricot, que nombre des enthousiasmes et craintes qu’ont fait naître le numérique chez les enseignants sont démesurés, et que le rôle de l’université est plus que jamais essentiel pour guider les étudiants dans leurs apprentissages et l’acquisition de connaissances académiques. En effet, ce n’est pas parce qu’on met soudainement le savoir à disposition que les étudiants vont être capables de s’en servir et devenir systématiquement des apprenants autonomes et autodidactes.
Selon lui, les outils numériques ne viennent modifier fondamentalement ni la façon d’enseigner, ni d’apprendre. Comme le livre papier, le numérique doit rester un outil et ne pas empiéter sur la pédagogie. Les questions de réflexion pédagogiques qu’un enseignant peut se poser n’ont pas changé, ce sont les outils qui sont différents, plus riches et offrant plus de possibilités. Si l’on veut comprendre la plus-value du numérique, il faut d’abord se poser la question de la fonction pédagogique (De Vries, 2001). Le rôle principal de l’enseignant consistant à élaborer un scénario pédagogique cohérent et réfléchi. La démarche de l’enseignant reste la même. Il se demandera, dans un premier temps, en fonction d’un enseignement précis, quels sont les objectifs pédagogiques de son enseignement, puis quelles activités pédagogiques il peut mettre en place et enfin, quel outil numérique peut potentiellement soutenir son projet pédagogique. Une telle démarche demande une connaissance approfondie des outils numériques et de leurs plus-values pédagogiques (cartographie des outils à paraître). L’entrée du numérique dans les enseignements se fait donc par la fonction pédagogique. Cependant s’il on veut que l’insertion soit efficace et réussie, il faut également que, sur le plan technico-pratique, l’outil numérique soit utile, perçu comme tel par les utilisateurs et facile d’utilisation. Les intentions d’usage doivent apparaître comme acceptables et compatibles avec les contraintes spatiales, temporelles, sociales et culturelle relatives au contexte universitaire. Une fois ces deux conditions réunies, il peut en effet y avoir un usage efficace de l’outil numérique.
La suite de la journée aura été dédiée à des temps de travail en atelier autour des thématiques suivantes : “Gouvernance des établissements, moteur ou frein ?” (Atelier 1), “La transition pédagogique à l’ère du numérique : quel vécu avec et par les étudiants ?” (Atelier 2), “La transition pédagogique à l’ère du numérique : quel vécu avec et quel rôle pour l’enseignant ?” (Atelier 3), “Numérique et éthique : entre association et opposition” (Atelier 4) et “Le partage dans la communauté enseignante” (Atelier 5).
Au final ce sont les notions tels que la co-construction, l’échange et le partage, la valorisation de l’engagement, la collaboration (à tous les niveaux, de manière verticale et horizontale), la transversalité, la différenciation des profils étudiants, la nécessité de formation continue et d’appui à la pédagogie des enseignants-chercheurs, la bienveillance et la confiance, la régulation éthique, l’extimité (frontière instable entre vie publique et vie privée), la démarche méthodologique, la motivation et l’engagement, et encore bien d’autres qui ont été abordées dans le cadre de cette journée. On retiendra l’émergence d’idées de co-construction et de co-évolution, de construire et d’évoluer avec autrui, qui fait écho à une approche socio-constructiviste de l’apprentissage.
Cette journée nous aura permis de réfléchir, en premier lieu, à ce qui est transformé, et dans un deuxième temps, aux facteurs humains, sociaux et techniques qui favorisent ou, au contraire, ralentissent voire empêchent ces transformations.
La prochaine rencontre est prévue à Montpellier les 20, 21 et 22 juin, pour la deuxième édition du colloque international “Apprendre, transmettre et innover à et par l’université” (ATIU).
Bibliographie :
Amadieu, Franck et Tricot, André (2014). Apprendre avec le numérique : mythes et réalités. Coll. Savoirs pratiques éducation. Retz. 112 pages.
Chi, Michelene T. H. et Wylie, Ruth (2014). “The ICAP Framework: Linking Cognitive Engagement to Active Learning Outcomes”, Educational Psychologist, 49(4), pp. 219-243. Consulté en ligne le 3 avril 2018.
De Vries, Erica (2001). “Les logiciels d’apprentissage : panoplie ou éventail ?”, Revue française de pédagogie, vol. 137, pp. 105-116. Consulté le 3 avril 2018 : http://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_2001_num_137_1_2851
Kirschner, Paul A. et van Merriënboer, Jeroen J.G. (2013). “Do Learners Really Know Best? Urban Legends in Education”, Educational Psychologist, 48(3), pp. 169-193. Consulté en ligne le 3 avril 2018.
Tricot, André (2017). L’innovation pédagogique. Coll. Mythes et réalités. Retz.