Compte rendu du colloque du 29 janvier 2019 à Paris 8. Colloque du groupe pédago-réflexif de Paris 8.
Mardi 29 janvier a eu lieu, dans les locaux de l’Université Paris 8 – Vincennes Saint-Denis, le colloque « Enseigner à Paris 8 aujourd’hui » organisé par des enseignant·e·s-chercheur·e·s de cet établissement (notamment venant du département de Sociologie). Le colloque avait pour but, dans le cadre du cinquantenaire de l’Université Vincennes-Saint Denis, de fournir un cadre de réflexion sur les pratiques enseignantes, à Paris 8 en particulier, mais aussi à l’Université d’une façon générale.
La journée a ainsi commencé avec l’intervention de trois enseignant·e·s-chercheur·e·s en sociologie venus d’autres universités : Romuald Bodin (Mcf, sociologie, Poitiers), Mathias Millet (Professeur, sociologie, Tours) et Émilie Saunier (Mcf, sciences de l’éducation, Université de Franche-Comté). Cette communication était l’occasion de présenter les premières analyses d’une enquête réalisée à partir de 50 entretiens avec des enseignant·e·s-chercheur·e·s de 9 disciplines différentes, des observations de cours et plus de 3000 questionnaires.
Cette enquête a mené à 2 constats : les pratiques d’enseignement sont très hétérogènes, et cette hétérogénéité est très structurée, essentiellement par les différents espaces disciplinaires. En effet, la recherche montre – dans la continuité des travaux de Mathias Millet sur les rapports aux savoirs qui influencent les pratiques de travail des étudiant·e·s – que les enseignant·e·s développent différentes postures (d’enseignement, d’évaluation…) en fonction de la discipline qu’ils enseignent et du rapport aux savoirs qu’elle implique. Chaque discipline fait ainsi entrer les étudiant·e·s dans certains raisonnements, activités, manipulations, en somme dans des modalités spécifiques de travail intellectuel et des représentations du travail universitaire différentes : on n’enseigne pas de la même façon en histoire, en gestion ou en physique parce que chacune de ces disciplines implique des opérations mentales différentes. D’autres variables sont bien entendu à prendre en compte pour catégoriser les diverses pratiques pédagogiques : les conditions matérielles d’exercice (effectifs, vétusté des locaux…) notamment, mais également le genre de l’enseignant·e.
La réflexion s’est poursuivie sur la contradiction que peut représenter le discours actuel sur « la » pédagogie universitaire, qui impliquerait une unification des pratiques alors qu’il apparaît que, notamment en raison de leur inscription disciplinaire et épistémologique, les pratiques enseignantes ne recouvrent pas les mêmes gestes professionnels ni les mêmes rapports aux savoirs. Une piste qu’il nous paraît intéressant de creuser au moment où les services d’appui à la pédagogie se structurent et se multiplient : en tant que conseillers et conseillères pédagogiques, quelle place donner aux matrices disciplinaires dans nos formations et les accompagnements d’enseignant·e·s ?
La matinée s’est poursuivie par une intervention permettant, justement, d’illustrer la diversité des pratiques enseignantes, cette fois-ci au sein de l’Université Paris 8. Stéphane Bonnéry (Professeur, sciences de l’éducation), Séverine Kakpo (Mcf, sciences de l’éducation), Claudette Lafaye (Mcf, sociologie), Claire Lemêtre (Mcf, sciences de l’éducation) et Charles Soulié (Mcf, sociologie). Ces enseignant·e·s, qui souhaitaient mener ensemble une réflexion sur leurs pratiques pédagogiques et sortir de la « solitude pédagogique ordinaire », ont construit ensemble un cours de pratique d’enquête impliquant des étudiant·e·s de Licence de Sociologie et de Sciences de l’éducation. L’objet de l’enquête était, justement, les pratiques d’enseignement à l’Université. Les étudiant·e·s ont ainsi mené l’enquête dans différents départements (droit, théâtre, psychologie…) par observations de cours et entretiens semi-directifs auprès des enseignant·e·s. Les intervenant·e·s ont souligné l’intérêt de ce dispositif, dans lequel les étudiant·e·s se sont, dans leur majorité, beaucoup investi·e·s. Les étudiant·e·s ont ensuite présenté eux-mêmes leurs retours d’enquête sur différents départements : psychologie, philosophie, économie-gestion et arts plastiques – des interventions très riches qui ont permis d’alimenter la réflexion sur les variations des pratiques enseignantes selon les disciplines.
L’après-midi ont eu lieu quatre tables rondes, dont la première autour des questions d’évaluation et de notation. Quatre enseignant·e·s-chercheur·e·s de Paris 8, Cécile Bourdais (MCF psychologie), Erci Lecerf (MCF philosophie), Valentin Schaepelynck (MCF sciences de l’éducation), Marion Tillous (MCF géographie) sont intervenu·e·s tour à tour afin de lancer la discussion sur les buts et le sens d’évaluer et de donner des notes aux étudiants à l’université. Fonction sociale de l’université et intérêt de la note par rapport à celle-ci, norme induite par la notation qui permet difficilement d’évaluer les évolutions des étudiant·e·s, posture d’autorité artificielle de l’enseignant·e induite par le fait de noter, possibilité d’évaluer sans noter, adaptation des modalités d’évaluation aux apprentissages visés : toutes ces questions ont été abordées puis poursuivies dans la discussion qui s’est ensuite poursuivie avec la salle. Ces questionnements essentiels sont d’ailleurs abordés lors de la formation « Evaluer et/ou noter » que nous proposons à Sapiens-USPC les 12 et 13 mars prochains (inscription ici pour les enseignant·e·s d’USPC)
Les deux autres tables rondes, auxquelles nous n’avons pu assister, portaient sur l’enseignement de la pratique d’enquête en L3 de sociologie, l’accueil des étudiants étrangers à Paris 8 et le travail de D. Bensaïd, philosophe engagé ayant enseigné à Paris 8.